Émile Paladilhe (1844-1926)
La Chanson de l’Enfant
Poèmes de Jean Aicard
Éditions Heugel
Quatre Mélodies :
1.Encore divins
2.Les berceaux
3.Aux berceaux
4.Chant de nourrice
Pour voix haute et piano
Partition
● Partition en ligne
1.Encore divins
Andante molto moderato à 4/4
Ré mineur (Mi3-Sol4)
Ils ont, les chers enfants, nos yeux, notre visage ;
Ils agitent de petits bras;
Les anges sont, ainsi, créés à notre image,
Mais ils ne nous ressemblent pas.
Ils ont de petits pieds, mais délicats et roses,
Mais qui n’ont pas encore touché
Ce sol dur où nos pas heurtent à tant de choses ;
Leurs petits pieds n’ont pas marché.
Ils ont aussi des mains, frêles, qu’ils savent tendre,
Qu’ils savent joindre pour prier,
Mais leurs doigts transparents sont trop faibles pour prendre
Et ne pourrait pas travailler.
Ils ont des yeux, mais purs, qui ne cherchent encore
Que le sourire maternel;
Beaux yeux d’enfants, joyeux et frais comme l’aurore,
Tous les bleus des souvenirs du ciel.
Ils ont l’oreille aussi, mais qui n’est attentif
Qu’aux rythmes et qu’aux chants légers,
Et le bruit de la voix humaine les captive,
Mais les mots leur sont étrangers.
Et la parole, ils l’ont, mais juste assez pour dire:
« Ma mère! » dans un bégaîment,
Oh! langage divin qui s’achève en sourire!
Parole qui jamais ne ment!
Ils ont, les chers enfants, nos yeux, notre visage ;
Ils agitent de petits bras;
Les anges sont, ainsi, créés à notre image,
Mais ils ne nous ressemblent pas.
2.Les berceaux
Andante con moto à 3/4
La bémol Majeur (Ré3-Sol4)
Berceaux, frêles berceaux, vous êtes des nacelles
Qui, sous un souffle calme et pur,
Venez en frémissant vers nous, ô barques frêles,
Du fond de l’éternel azur.
Vos légers rideaux blancs s’enflent comme des voiles,
Berceaux, et, sous les vents amis,
Vous nous portez, du bord des heureuses étoiles,
Vos passagers tout endormis.
Ils dorment, ces mignons, les poings fermés, la tête
Sur le duvet mol et profond,
Ignorant les périls, l’écueil ou la tempête,
Et le grand voyage qu’ils font.
Le rivage inconnu qui vers nous vous envoie,
Vous et vos petits passagers,
Est un monde idéal où tout est rythme et joie,
Où tout plane, ô berceaux légers !
Et quand vous arrivez des rives du mystère,
Fins esquifs construits pour le vol,
Nous, nous vous empêchons de vous fixer sur terre,
Et même de toucher au sol ;
Et longtemps, confiés aux douces mains des femmes
Qui vous balancent nuit et jour,
Vous êtes entourés, comme au pays des âmes,
D’allégresse et de chants d’amour.
Et jusqu’à ce qu’enfin l’ange qui n’a plus d’ailes
Pose à terre son pied mal sûr,
Nous vous faisons un port qui vous berce, ô nacelles
Qui venez du fond de l’azur.
3.Aux berceaux
Allegro moderato à 4/4
Ré Majeur (Ré3-Fa#4)
Vous êtes suspendus pour que l’enfant se croie
Une âme libre encor en planant dans la joie ;
Berceaux, vous êtes balancés
Par une douce main qui s’abaisse et s’élève
Pour que les beaux enfants se croient toujours, en rêve,
Sur deux ailes d’ange bercés.
Une heure, un jour de plus, ô berceaux blancs et frêles,
Vous tenez loin du sol l’ange qui n’a plus d’ailes,
Et vous êtes harmonieux.
Autour de vous souvent vibre une chanson tendre,
Pour que l’enfant sourie et s’imagine entendre
Le rythme accoutumé des cieux.
Et vous êtes pareils à des barques, venues
D’un archipel céleste aux îles inconnues
Vers nos écueils et nos dangers ;
Et nous tremblons toujours qu’en vos rideaux, vos voiles,
Vienne à souffler un vent qui remporte aux étoiles
Les berceaux et les passagers !
4.Chant de nourrice
Andante à 2/4
Fa Majeur (Do3-Fa4)
Dors, mon petit enfant, dors et rêve en silence
Au bruit du berceau…
Vois-tu, dans le grand chêne òu le vent le balance,
Le nid de l’oiseau?
Les nids sont des berceaux que les souffles d’orages
Font tomber parfois,
Et que les loups, la nuit, avec des cris sauvages,
Mangent dans les bois.
Mais toi, mon bel enfant, dors et rêve en silence
Au bruit du berceau…
Vois-tu, sur la mer bleue òu le vent le balance,
Le petit vaisseau?
La barque est un berceau que frappent les tempêtes
De leurs fouets d’éclairs;
Que de pauvres marins sont mangés par les bêtes
Dans le fond des mers!
Mais toi, mon bel enfant, dors et rêve en silence,
Au bruit du berceau.
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la Chanson de l’Enfant d’Émile Paladilhe