Cycle de quatre Mélodies
Proses de Claude Debussy
Éditions Jobert Pour voix haute et piano
1. De Rêve
2. De Grève
3. De Fleurs
4. De Soir
Partitions
● Partition en ligne
Les Vidéos : Elly Ameling (soprano) – Dalton Baldwin (piano)
1. De Rêve
Modéré à 12/8
Fa dièse Majeur (Si2-La4)
La nuit a des douceurs de femme,
Et les vieux arbres, sous la lune d’or, Songent! A Celle qui vient de passer, la tête emperlée,
Maintenant navrée, à jamais navrée,
Ils n’ont pas su lui faire signe… Toutes! Elles ont passé:
Les Frêles, les Folles,
Semant leur rire au gazon grêle,
aux brises frôleuses
la caresse charmeuse des hanches fleurissantes. Hélas! de tout ceci, plus rien qu’un blanc frisson…
Les vieux arbres sous la lune d’or
pleurent leurs belles feuilles d’or!
Nul ne leur dédiera plus la fierté des casques d’or,
Maintenant ternis, à jamais ternis: Les chevaliers sont morts
Sur le chemin du Grâal! La nuit a des douceurs de femme,
Des mains semblent frôler les âmes,
mains si folles, si frêles,
Au temps où les épées chantaient pour Elles!
D’étranges soupirs s’élèvent sous les arbres:
Mon âme c’est du rêve ancien qui t’étreint!
2. De Grève
Modéré à 3/4
Ré Majeur (Do#3-La4)
Sur la mer les crépuscules tombent,
Soie blanche effilée.
Les vagues comme de petites folles,
Jasent, petites filles sortant de l’école,
Parmi les froufrous de leur robe,
Soie verte irisée! Les nuages, graves voyageurs,
se concertent sur le prochain orage,
Et c’est un fond vraiment trop grave
à cette anglaise aquarelle.
Les vagues, les petites vagues,
ne savent plus où se mettre,
car voici la méchante averse,
Froufrous de jupes envolées,
Soie verte affolée. Mais la lune, compatissante à tous,
Vient apaiser ce gris conflit,
Et caresse lentement ses petites amies,
qui s’offrent, comme lèvres aimantes,
A ce tiède et blanc baiser.
Puis, plus rien…
Plus que les cloches attardées
des flottantes églises,
Angelus des vagues,
Soie blanche apaisée!
3. De Fleurs
Lent et triste à 4/4
Do Majeur (Do3-La4)
Dans l’ennui si désolément vert
de la serre de douleur,
les Fleurs enlacent mon coeur
de leurs tiges méchantes.
Ah! quand reviendront autour de ma tête
les chères mains si tendrement désenlaceuses? Les grands Iris violets
violèrent méchamment tes yeux,
en semblant les refléter,
Eux, qui furent l’eau du songe
où plongèrent mes rêves si doucement,
enclos en leur couleur;
Et les lys, blancs jets d’eau
de pistils embaumés,
ont perdu leur grâce blanche,
Et ne sont plus que pauvres malades
sans soleil!
Soleil! ami des fleurs mauvaises,
Tueur de rêves: Tueur d’illusions,
ce pain béni des âmes misérables!
Venez! Venez! Les mains salvatrices!
Brisez les vitres de mensonge,
Brisez les vitres de maléfice,
Mon âme meurt de trop de soleil! Mirages! Plus ne refleurira
la joie de mes yeux,
Et mes mains sont lasses de prier,
Mes yeux sont las de pleurer!
Eternellement ce bruit fou
des pétales noirs de l’ennui,
tombant goutte à goutte sur ma tête
Dans le vert de la serre de douleur!
4. De Soir
Modérément animé à 2/2
Sol dièse mineur (Do#3-Sol#4)
Dimanche sur les villes,
Dimanche dans les coeurs!
Dimanche chez let petites filles,
chantant d’une voix informée,
des rondes obstinées, ou de bonnes tours
n’en ont plus que pour quelques jours!
Dimanche, les gares sont folles!
Tout le monde appareille
pour des banlieues d’aventure,
en se disant adieu avec des gestes éperdus! Dimanche les trains vont vite,
dévorés par d’insatiables tunnels;
Et les bons signaux des routes
échangent d’un oeil unique,
des impressions toutes mécaniques. Dimanche, dans le bleu de mes rêves,
où mes pensées tristes
de feux d’artifices manqués
Ne veulent plus quitter
Le deuil de vieux Dimanches trépassés. Et la nuit, à pas de velours,
vient endormir le beau ciel fatigué,
et c’est Dimanche dans les avenues d’étoiles;
la Vierge or sur argent
laisse tomber les fleurs de sommeil! Vite, les petits anges,
Dépassez les hirondelles
afin de vous coucher forts d’absolution! Prenez pitié des villes,
Prenez pitié des coeurs,
Vous, la Vierge or sur argent!
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