Marie Jaëll (1846-1925)
Poèmes de Jean Richepin (La Mer)
Poèmes & Recueils
Indication du Recueil et du numéro du Poème à côté du titre de la Mélodie
Pour voix haute et piano
Partition

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1. Quatre heures du Matin
2. Causeries de Vagues
3. Les Papillons
4. Baisers perdus
5. En Ramant
6. Larmes


Quatre heures du Matin (Etant de quart – Poème XV)
Allegretto à 3/4
Mi bémol Majeur (Sib2-Sol#4)

Cyrille Dubois (Chant)
Tristan Raës (Piano)

Au firmament teinté de rose et de lilas
On dirait qu’une main nonchalante et distraite
De l’aurore endormie ouvre la gorgerette
Et découvre le sein voilé de falbalas.

Mon quart est fait. Je vais me coucher. Je suis las.
Mais avant, toi que j’aime et que mon œil regrette,
Je veux te dire adieu, céleste pâquerette,
Dernière étoile qui dans l’ombre étincelas.

Adieu, jusqu’à ce soir, fleur du jardin nocturne,
Dont le calice clair, incliné comme une urne,
Versait à mes regards son vin de rayons blancs.
Adieu ! Ton feu pâlit dans l’air plus diaphane ;
Et repliant sur toi tes pétales tremblants,
Parmi les prés d’azur ton bouton d’or se fane.

Causeries de Vagues
Animé à 9/16
Sol Majeur (Do#3-La4)
Deux poèmes pour cette mélodie :
Causeries de vagues (Etant de quart – poème XXVI) &
Ce qu’en pense un flot (Etant de quart – poème XXVII)


Voici ce que chante un vieux chant !
Les vagues parlent en marchant.

L’une dit à l’autre : Ma sœur,
Pour nous la vie est sans douceur.

Vois combien vite en est le cours !
À court passage, plaisirs courts !

Mais l’autre lui répond : Ma sœur,
Sa brèveté fait sa douceur.

À longue existence, longs soins !
Et vivre peu, c’est souffrir moins.

Comme elle gémissait cela,
Brusque, un flot les interpella.

Les cheveux au vent, les yeux fous,
Il leur dit : Sottes, taisez-vous !

Vivre, c’est dépenser comptant
Toute sa vie en un instant.

Qu’importe avant ? Qu’importe après ?
On passe ou reste sans regrets ;

Et le tout, c’est d’avoir goûté
Dans cet instant l’éternité.

Les Papillons (Marines – poème II)
Moderato à 3/8
Fa dièse mineur / Fa dièse Majeur (Mi3-La4)

Papillons, ô papillons,
Restez au ras des sillons,
Tout au plus courez la brande.
C’est assez pour vos ébats.
Qu’allez-vous faire là-bas,
Tout petits sur la mer grande ?

Laisse-nous, décourageux !
Il faut bien voir d’autres jeux
Que ceux dont on a coutume.
Quand on est lassé du miel,
Ne sais-tu pas que le fiel
Est doux par son amertume ?

Mais des fleurs pour vos repas,
Là-bas vous n’en aurez pas.
On n’en trouve que sur terre.
Pauvres petits malheureux,
Vous mourrez le ventre creux
Sur l’eau nue et solitaire.

Ô l’ennuyeux raisonneur
Qui met sur notre bonheur
L’éteignoir d’avis moroses !
Ne vois-tu pas que ces prés
Liquides sont diaprés
De lis, d’œillets et de roses ?

Papillons, vous êtes fous.
Ces fleurs-là, m’entendez-vous,
Ce sont les vagues amères
Où les rayons miroitants
Font éclore le printemps
Dans un jardin de chimères.

Qu’importe, si nous croyons
Aux fleurs de qui ces rayons
Dorent la belle imposture !
Dût-on ne point les saisir,
N’est-ce pas encor plaisir
Que d’en risquer l’aventure ?

Allez, vous avez raison.
Comme vous à l’horizon
Mes vœux portent leur offrande.
Poètes et papillons,
Partons en gais tourbillons,
Tout petits sur la mer grande.

Baisers perdus (Etant de quart – poème X)
Allegro à 6/8
Ré mineur (Ré3-La4)

Pauvres voyageurs las qui vont cherchant fortune.
Des oiseaux de passage au mât se sont posés,
Et leur chant retentit par les airs accoisés
Dans la hune.

Vers son pâle amoureux gonflant sa gorge brune,
La mer envoie au ciel ses vœux inapaisés.
Des lèvres de ses flots monte un vol de baisers
À la lune.

Pauvres voyageurs las, vous trouverez fortune.
Vous oublierez vos maux aux pays embrasés,
Là-bas ! Et c’est de quoi si gaîment vous causez
Dans la hune.

Mais toi, mer, à quoi bon gonfler ta gorge brune ?
De l’astre qui te fuit tes beaux seins méprisés
Se soulèvent en vain vers les lointains baisers
De la lune.

Heureux le simple cœur qui va cherchant fortune
Avec des rêves sûrs d’être réalisés !
Il est joyeux ainsi que ces oiseaux posés
Dans la hune.

Moi, j’ai, comme la mer gonflant sa gorge brune.
D’impossibles désirs, des vœux inapaisés,
Et je prodigue aussi d’inutiles baisers
À la lune.

En Ramant (Les Gas – poème II)
Très animé à 4/4
Mi mineur (Sib2-Mi4)

Sur la mer qui brame
Le bateau partit,
Tout seul, tout petit,
Sans voile, à la rame.

Si nous chavirons,
Plus ne reviendrons.
Sur les avirons
Tirons !

La mer est méchante ;
Mais l’homme joyeux
N’a pas froid aux yeux.
Elle gueule. Il chante.

Si nous chavirons,
Nous le sentirons.
Sur les avirons
Tirons !

Sur la mer qui rage
Le bateau dansa.
Nous connaissons ça,
Et bren pour l’orage !

Point ne chavirons.
Nous en reviendrons.
Sur les avirons
Tirons !

Sur la mer qui roule
Et vomit l’embrun
Le ciel lourd et brun
En trombe s’écroule.

Si nous ne virons,
Nous y périrons.
Sur les avirons
Tirons !

Sur la mer qui brame
Il est revenu
Tout seul et tout nu,
Le bateau sans rame.

Plus ne partirons,
Plus ne reviendrons,
Sous les goëmons
Dormons !

Larmes (Etant de quart – poème XVII)
Allegretto à 4/4
Do dièse mineur (Si#2-Mi4)

Pleurons nos chagrins, chacun le nôtre.
Une larme tombe, puis une autre.
Toi, que pleures-tu ? Ton doux pays,
Tes parents lointains, ta fiancée.
Moi, mon existence dépensée
En vœux trahis.

Pleurons nos chagrins, chacun le nôtre.
Une larme tombe, puis une autre.
Semons dans la mer ces pâles fleurs.
À notre sanglot qui se lamente
Elle répondra par la tourmente
Des flots hurleurs.

Pleurons nos chagrins, chacun le nôtre.
Une larme tombe, puis une autre.
Le flux de la mer en est grossi
Et d’une salure plus épaisse,
Depuis si longtemps que notre espèce
Y pleure ainsi.

Pleurons nos chagrins, chacun le nôtre.
Une larme tombe, puis une autre.
Peut-être toi-même, ô triste mer,
Mer au goût de larme âcre et salée,
Es-tu de la terre inconsolée
Le pleur amer.


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