Poèmes de Paul Bourget

Charles-Marie Widor (1844-1937)

Quatorze Mélodies
Éditions Heugel
Version originale pour voix haute et piano
Partition
Partition en ligne

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1. La Mer
2. A mi-voix
3. Sérénade Italienne
4. Encore un soir qui tombe
5. La petite couleuvre bleue
6. A l’Aube
7. Ce monde meilleur
8. Rosa, la Rose
9. Seul dans la nuit
10. Les Nuages
11. Douleur précoce
12. Le ciel d’hiver
13. Les Yeux et la Voix
14. Repos éternel

Les Vidéos : Michael Bundy (baryton) – Jeremy Filsell (Piano)
(Version pour voix moyenne)



1. La Mer
Allegro con fuoco à 6/8
Do mineur/Majeur (Do3-Lab4)
Version orchestre (partition manuscrite)

La mer énorme se soulève,
Je suis comme un enfant perdu.
O mer! Quand m’emporteras-tu
Vers le pays où vit mon rêve?

J’entends crier le goéland,
Comme lui mon cœur est sauvage;
Il eut jadis son doux servage,
D’oiseau caressé, mais tremblant…

Le vent creuse les lames hautes.
Je sens passer soudain en moi
Un peu du frissonnant émoi
De ces lames le long des côtes….

Elles et moi, d’âpres amours
Nous précipitent vers notre astre,
Et le même odieux désastre
Nous fait rouler bien loin, toujours….

O mer! Quand m’emporteras-tu
Vers le pays où vit mon rêve?

2. A mi-voix (PDF page 10)
Andantino à 3/4
Si bémol Majeur (Réb3-Sol4)

Je me souviens qu’un soir, où vous aviez pleuré,
Moi, je suis près de vous plus longtemps demeuré.
C’était sur la terrasse à l’heure des étoiles.
Confiante et pourtant sans soulever les voiles
Qui dérobent aux yeux votre cœur noble et fier,
Vous me parliez tout bas en regardant la mer.
La lune se noyait, tremblante, sur les vagues,
D’où s’élevaient des bruits si lointains et si vagues
Qu’on eût dit une plainte échappée à moitié…
Vous me parliez tout bas avec tant d’amitié,
Que dussé-je vieillir bien vieux dans ce vieux monde,
Je n’oublierai jamais l’impression profonde
Que m’a faite l’accord mystérieux et doux
De votre voix avec ce ciel pur comme vous.

3. Sérénade Italienne (PDF page 14)
Moderato à 4/4
La mineur/Majeur (Ré3-La4)

Partons en barque sur la mer
Pour passer la nuit aux étoiles;
Vois, il souffle juste assez d’air
Pour gonfler la toile des voiles.

Le vieux pêcheur italien
Et ses deux fils qui nous conduisent,
Écoutent, mais n’entendent rien
Aux mots que nos bouches se disent.

Sur la mer calme et sombre, vois :
Nous pourrons échanger nos âmes,
Et nul ne comprendra nos voix
Que la nuit, le ciel, les lames.


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Pour voix moyenne et piano
Partition en ligne

4. Encore un soir qui tombe (PDF page 18)
Lento à 3/4
Do mineur (Do3-Lab4)

Encore un soir qui tombe, un soir qui ne m’apporte
Qu’un regret plus navrant de ma jeunesse morte.
Que ne suis-je pareil à ces noirs paysans
Dont je vois les maisons éparses dans les champs,
Et qui, durs travailleurs, ne comptent leurs journées
Que par l’entassement des gerbes moissonnées?
Mais, moi, le grand silence et la clarté du ciel,
La ligne des coteaux boisés, le lent appel
Que l’angélus du soir jette dans la vallée,
Tout me fait souvenir de ma vie en allée….

5. La petite couleuvre bleue (PDF page 22)
Moderato à 2/4
La bémol Majeur (Do3-Lab4)

La petite couleuvre bleue
Du désir me sifflait tout bas:
«O poète, encore une lieue,
Marche vite et ne tremble pas.»

O petite couleuvre bleue
Que tes sifflements m’ont fait mal,
J’ai cheminé plus d’une lieue
Sans rencontrer mon Idéal.

Mon Idéal est une vierge
Qui jamais ne me sourira.
«Va, frappe à la prochaine auberge,
Qui sait quelle main t’ouvrira?»

Une vielle avec politesse
Ouvre la porte doucement:
«Avez-vous vu, dame l’hôtesse,
Une enfant au rire charmant?»

Elle porte, la jeune vierge,
Des perles noires au collier.
«Elle a diné là, dans l’auberge,
Avec un jeune cavalier.»

«Merci, Madame.» «Voici l’heure
Où l’ombre tombe, entrez chez nous.»
«Merci, l’hôtesse, que je meure,
Si je dors une heure chez vous!»

Petite couleuvre menteuse,
Pourquoi m’as-tu charmé le cœur?
Oh! Dis-moi, n’est-tu pas honteuse
De me siffler ton air moqueur?

Voici que seul et sans lumière
Je reconnais le vieux chemin
Qui conduisait au cimetière.
«Marche encore et crois à demain.

Peut-être que parmi ces marbres
Erre ton amie.» On entend
Gémir le vent parmi les arbres
«C’est son soupir, elle t’attend.»

O petite couleuvre fausse,
Je suis las, et la nuit pâlit
Voici l’aube. «Entre dans la fosse,
Pour sommeiller, c’est un bon lit;

Tu rêveras de cette amie
Que tu poursuivis si longtemps.»
La terre à mon âme endormie
Est bien lourde, que faire?
«Attends»

6. A l’Aube (PDF page 40)
Vivo à 2/4
Mi bémol Majeur (Sib2-Fa4)

Dans la lumière et dans le bruit
S’éveille la petit village:
Enfants et femmes, sur la plage,
Attendent les pêcheurs de nuit.

La mer semble un ruban de moire,
Les voiles des bateaux tremblants
Font comme des légers points blancs
Sur la profondeur bleue et noire.

De grands oiseaux passent dans l’air
Ailes ouvertes, et les voiles
Parmi les dernières étoiles,
Brillent dans l’azur du ciel clair.

7. Ce monde meilleur (PDF page 44)
Lento à 2/4
Do dièse mineur (Mi#3-Fa#4)

Ce monde meilleur et tout autre,
Le Paradis, je n’en veux pas.
Tout mon souvenir tient au nôtre,
Toute ma vie est ici-bas.
La belle enfant que j’ai choisie,
Ses cheveux, sa bouche et ses yeux,
Sa jeunesse et sa poésie,
Je ne les aurai pas aux cieux.
Si la chair n’est pas immortelle,
Si les formes doivent périr,
Je ne reconnaitrai plus celle
Qui m’a fait aimer et souffrir.

8. Rosa, la Rose (PDF page 47)
Moderato à 2/4
La bémol Majeur (Mib3-Sol4)

Comme les roses du sentier,
La petite Rose est farouche.
Tout son charme est encore entier
Comme les roses du sentier,
Et son cœur est un églantier
Où se pique la main qui touche.
Comme les roses du sentier,
La petite Rose est farouche.

9. Seul dans la nuit (PDF page 50)
Allegro moderato à 3/4
La bémol Majeur (Ré3-Sol#4)

Seul dans la nuit et trop loin de tes yeux,
Je ne sais pas si tu m’aimes, je doute ;
Et ma pauvre âme en peine plonge toute
En un gouffre silencieux.

Oh! non, c’était un trop sublime songe!
Tant de bonheur ne fut jamais réel!…
Pourtant j’ai bu sur ta bouche ce miel;
Tes yeux n’étaient pas un mensonge,

Ils se levaient sur moi fous de langueur;
Ton âme errait sous tes paupières sombres.
Pourquoi trouvé-je, entre eux et moi, ces ombres,
Entre leurs caresse et mon cœur?

10. Les Nuages (PDF page 54)
Allegro con moto à 2/2
Sol Majeur (Do3-La4)

Les nuages vont vite, vite,
Au fond du ciel couleur de fer,
Et ces faux amis m’ont tout l’air
De fuir la ville que j’habite.

Où s’envolent-ils ? Ce n’est pas
Vers la merveilleuse contrée
Où ma pensée est demeurée,
En Orient, là-bas, là-bas.

En Orient les cieux sont calmes,
Les senteurs des fleurs d’oranger
Flottent dans le vent, si léger
Qu’il agite à peine les palmes.

Et sous le ciel trop doux à voir,
Je ne sais pas de place prête
Pour un pâle et triste poète
Ni pour un froid nuage noir.

Enfuyons-nous par les espaces,
Chevauchons les vents furieux
Et partons pour les sombres cieux
Qui luisent sur la mer des glaces.

Grandioses et désolés
Les caps sont noyés de ténèbres,
Les flots chantent des mots funèbres :
Écoutons-les, écoutons-les !

Mais au printemps la neige en pleurs
Ruisselle des collines vertes,
Comme des blessures ouvertes
Ruisselle le sang des douleurs.

11. Douleur précoce (PDF page 71)
Moderato à 4/4
Mi mineur (Si2-Fa4)

Il faut plaindre tous ceux qui n’ont pas eu de mère,
Car leur espoir est triste et leur joie est amère.
Même quand une main d’ami s’ouvre pour eux,
Ils tremblent: on dirait qu’ils ont peur d’être heureux;
Et leur âme, avant l’âge à l’effort asservie,
N’est pas apprivoisée aux douceurs de la vie.

Tel, un oiseau, surpris vivant par l’oiseleur,
Palpite, le cœur gros de crainte et de douleur,
Dans la main d’un enfant qui doucement le presse,
Et le pauvret se meurt d’effroi sous la caresse.

12. Le ciel d’hiver (PDF page 76)
Allegro con moto à 3/4
La mineur (Do3-La4)

Le ciel d’hiver, si doux, si triste, si dormant,
Où le soleil errait parmi les vapeurs blanches,
Était pareil au doux, au profond sentiment
Qui nous rendait heureux mélancoliquement
Par cette après-midi de rêves sous les branches.

Branches mortes qu’aucun souffle ne remuait,
Branches noires portant quelque feuille fanée,
Ah! que mon âme s’est à ton âme donnée
Plus tendrement encor dans ce grand bois muet,
Et dans cette langueur de la mort de l’année !


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Fa Majeur (Réb3-La4)
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13. Les Yeux et la Voix (PDF page 82)
Andante à 6/8
Fa Majeur (Do3-Fa4)

Quand l’amie est là qui nous laisse
Nous anéantir dans ses yeux,
Les longs regards silencieux
Suffisent presque à la tendresse.

Mais, quand elle est loin, l’on voudrait
Se rappeler quelque mot tendre,
Dont l’accent seul eût fait entendre
Ce qu’elle éprouvait en secret.

On voudrait qu’elle eût dit: «Je t’aime!»
Qu’elle l’eût répété cent fois ;
Il nous semble que dans la voix
Etait l’évidence suprême!

Et cependant, beaux yeux si doux
Vous que brûle une flamme noire
Et languissante, en qui donc croire,
Si l’on ne croyait pas en vous?

14. Repos éternel (PDF page 87)
Andante à 4/4
Do Majeur (Réb3-La4)

Lorsque la mort, posant son doigt blanc sur mon front,
Fera que pour toujours mes yeux se fermeront
À la beauté vivante,
Choisissez-moi, vous tous à qui je serai cher,
Une tombe au soleil sur le bord de la mer
Infinie et mouvante.

Les jours où prodiguant le rire et les sanglots
Le vent labourera l’azur sombre des flots,
J’écouterai gronder leur masse exaspérée,
Et je me souviendrai des fureurs d’autrefois,
Lorsque dans tout mon cœur retentissait la voix
Des folles passions qui montaient leur marée.

Et lorsque chanteront les grands flots apaisés,
J’entendrai résonner des anciens baisers
La musique lointaine,
Pour charmer le repos éternel, c’est assez
Des trésors de douleur et de joie, amassés,
Dans une vie humaine.


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