Gabriel Fauré (1845-1924)
Mirages Op.113
Poèmes de Renée de Brimont
Editions Durand
Pour voix moyenne et piano
Partition

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1. Cygne sur l’eau
2. Reflets dans l’eau
3. Jardin nocturne
4. Danseuse

Vidéos : Jacques Herbillon (baryton) – Thédore Paraskivesco (piano)

1. Cygne sur l’eau
Andantino à 3/4
Fa Majeur (Do3-Mib4)

Ma pensée est un cygne harmonieux et sage
qui glisse lentement aux rivages d’ennui
sur les ondes sans fond du rêve, du mirage,
de l’écho, du brouillard, de l’ombre, de la nuit.

Il glisse, roi hautain fendant un libre espace,
poursuit un reflet vain, précieux et changeant,
et les roseaux nombreux s’inclinent lorsqu’il passe,
sombre et muet, au seuil d’une lune d’argent ;

et des blancs nénuphars chaque corolle ronde
tour à tour a fleuri de désir ou d’espoir…
Mais plus avant toujours, sur la brume et sur l’onde,
vers l’inconnu fuyant glisse le cygne noir.

Or j’ai dit : « Renoncez, beau cygne chimérique,
à ce voyage lent vers de troubles destins ;
nul miracle chinois, nulle étrange Amérique
ne vous accueilleront en des hâvres certains ;

les golfes embaumés, les îles immortelles
ont pour vous, cygne noir, des récifs périlleux ;
demeurez sur les lacs où se mirent, fidèles,
ces nuages, ces fleurs, ces astres et ces yeux.

2. Reflets dans l’eau (PDF page 12)
Quasi adagio à 4/4
Si bémol Majeur (Do3-Mib4)

Étendue au seuil du bassin,
dans l’eau plus froide que le sein
des vierges sages,
j’ai reflété mon vague ennui,
mes yeux profonds couleur de nuit
et mon visage.

Et dans ce miroir incertain
j’ai vu de merveilleux matins…
J’ai vu des choses
pâles comme des souvenirs,
sur l’eau que ne saurait ternir
nul vent morose.

Alors au fond du Passé bleu,
mon corps mince n’était qu’un peu
d’ombre mouvante,
sous les lauriers et les cyprès
j’aimais la brise au souffle frais
qui nous évente…

J’aimais vos caresses de sœur,
vos nuances, votre douceur,
aube opportune ;
et votre pas souple et rythmé,
nymphes au rire parfumé,
au teint de lune ;

et le galop des aegypans,
et la fontaine qui s’épand
en larmes fades…
Par les bois secrets et divins
j’écoutais frissonner sans fin
l’hamadryade.

Ô cher Passé mystérieux
qui vous reflétez dans mes yeux
comme un nuage,
il me serait plaisant et doux,
Passé, d’essayer avec vous
le long voyage !…

Si je glisse, les eaux feront
un rond fluide… un autre rond…
un autre à peine…
Et puis le miroir enchanté
reprendra sa limpidité
froide et sereine.

3. Jardin nocturne (PDF page 18)
Andantino à 3/4
Mi bémol Majeur (Réb3-Ré4)

Nocturne jardin tout empli de silence,
voici que la lune ouverte se balance
en des voiles d’or fluides et légers ;
elle semble proche et cependant lointaine…
Son visage rit au cœur de la fontaine
et l’ombre pâlit sous les noirs orangers.

Nul bruit, si ce n’est le faible bruit de l’onde
fuyant goutte à goutte au bord des vasques rondes,
ou le bleu frisson d’une brise d’été,
furtive parmi des palmes invisibles…
Je sais, ô jardin, vos caresses sensibles
et votre languide et chaude volupté !

Je sais votre paix délectable et morose,
vos parfums d’iris, de jasmins et de roses,
vos charmes troublés de désirs et d’ennui…
ô jardin muet ! L’eau des vasques s’égoutte
avec un bruit faible et magique… J’écoute
ce baiser qui chante aux lèvres de la Nuit.

4. Danseuse (PDF page 16)
Andantino à 2/2
Ré mineur (Ré3-Fa4)

Sœur des Sœurs tisseuses de violettes,
une ardente veille blémit tes joues…
Danse ! Et que les rythmes aigus dénouent
tes bandelettes.

Vase svelte, fresque mouvante et souple,
danse, danse, paumes vers nous tendues,
pieds étroits fuyant, tels des ailes nues
qu’Eros découple…

Sois la fleur multiple un peu balancée,
sois l’écharpe offerte au désir qui change,
sois la lampe chaste, la flamme étrange,
sois la pensée !

Danse, danse au chant de ma flûte creuse,
Sœur des Sœurs divines. — La moiteur glisse,
baiser vain, le long de ta hanche lisse…
Vaine danseuse !



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