1.
Le petit pèr’ Combes s’en va chez le docteur :
« Ah ! docteur, je suis bien malade !
J’ai, comment vous dir’ ? l’estomac gazouilleur
Comme un vieux siphon d’ limonade,
Enfin j’ai quelque chose là
Qui ne passe pas… Quéqu’chose qui n’passe pas,
Fait le docteur, mais dites-moi,
N’est-ce pas un projet de loi ?
Le petit pèr’ Combes s’en va chez le docteur :
« Ah ! docteur, je suis bien malade !
J’ai, comment vous dir’ ? l’estomac gazouilleur
Comme un vieux siphon d’ limonade,
Enfin j’ai quelque chose là
Qui ne passe pas… Quéqu’chose qui n’passe pas,
Fait le docteur, mais dites-moi,
N’est-ce pas un projet de loi ?
2.
Voyons, r’prit le docteur, avez-vous un moment ?
De vous asseoir prenez la peine,
Ça n’sera pas long, pour voir c’qu’y a dedans
Je vais vous ouvrir l’abdomen.
-Hé ! fit Combes, attendez, morbleu !
I’m’semble, docteur, que ça va déjà mieux…
Puis, vous savez, j’suis pas curieux,
N’vous dérangez pas pour si peu.
Voyons, r’prit le docteur, avez-vous un moment ?
De vous asseoir prenez la peine,
Ça n’sera pas long, pour voir c’qu’y a dedans
Je vais vous ouvrir l’abdomen.
-Hé ! fit Combes, attendez, morbleu !
I’m’semble, docteur, que ça va déjà mieux…
Puis, vous savez, j’suis pas curieux,
N’vous dérangez pas pour si peu.
3.
Laissez, dit l’docteur, n’vous occupez donc pas,
Je fais ça comme on vide un litre,
Puis je suis en train, ce matin j’ai déjà
Ouvert plusieurs douzaines d’huîtres.
N’ayez pas peur, vous n’sentirez
Absolument rien, j’vais vous boucher l’nez,
Tout ça sera proprement fait,
Et plus vit’ qu’un porte-monnaie
Laissez, dit l’docteur, n’vous occupez donc pas,
Je fais ça comme on vide un litre,
Puis je suis en train, ce matin j’ai déjà
Ouvert plusieurs douzaines d’huîtres.
N’ayez pas peur, vous n’sentirez
Absolument rien, j’vais vous boucher l’nez,
Tout ça sera proprement fait,
Et plus vit’ qu’un porte-monnaie
4.
Là d’ssus, il opère, il regarde et il dit :
« Jusqu’ici vous n’avez pas d’chance
De maladie d’ foie, mais quant à la phtisie,
C’est couru, galopé d’avance.
Dans vos bronches, ah ! quel vent du Nord !
Ça fait courant d’air avec le corridor ;
Vos poumons semblent respirer
Autre chos’ que la sainteté !…
Là d’ssus, il opère, il regarde et il dit :
« Jusqu’ici vous n’avez pas d’chance
De maladie d’ foie, mais quant à la phtisie,
C’est couru, galopé d’avance.
Dans vos bronches, ah ! quel vent du Nord !
Ça fait courant d’air avec le corridor ;
Vos poumons semblent respirer
Autre chos’ que la sainteté !…
5.
Ah ! voici le cœur, dame, il n’est pas très grand,
Je pourrais le mettr’ dans ma poche.
Tiens ! vous le portez, ça c’est très élégant,
Crân’ment sur l’oreillette gauche.
Il semble atteint en vérité
D’une par trop grande sensibilité,
Ça doit joliment vous gêner,
j’ crois bien qu’il faudra l’enlever.
Ah ! voici le cœur, dame, il n’est pas très grand,
Je pourrais le mettr’ dans ma poche.
Tiens ! vous le portez, ça c’est très élégant,
Crân’ment sur l’oreillette gauche.
Il semble atteint en vérité
D’une par trop grande sensibilité,
Ça doit joliment vous gêner,
j’ crois bien qu’il faudra l’enlever.
6.
Oh ! ça c’est curieux, vous vous êtes foulé
La rate ! mais le diable m’emporte !
Comment avez-vous donc pu vous dévisser
Tout seul la crosse de l’aorte ?
Ah ! vous êt’s un fameux lapin
Parbleu ! je l’vois bien là, d’ l’autr’ côté du rein,
Vous devez êtr’ fort, mon garçon,
Mais là très fort… sur la boisson !
Oh ! ça c’est curieux, vous vous êtes foulé
La rate ! mais le diable m’emporte !
Comment avez-vous donc pu vous dévisser
Tout seul la crosse de l’aorte ?
Ah ! vous êt’s un fameux lapin
Parbleu ! je l’vois bien là, d’ l’autr’ côté du rein,
Vous devez êtr’ fort, mon garçon,
Mais là très fort… sur la boisson !
7.
Voyons donc ce ventre… il est joliment creux…
Son état… (Mais restez tranquille !
Ah ! mon pauvre ami, ce qu’vous êt’s chatouilleux !)
Son état, dis-je, est fort débile.
Votre intestin grêle, vraiment,
N’a pas le sourire, il n’est pas engageant ;
Entre nous, je n’ai jamais vu
Un intérieur plus mal tenu.
Voyons donc ce ventre… il est joliment creux…
Son état… (Mais restez tranquille !
Ah ! mon pauvre ami, ce qu’vous êt’s chatouilleux !)
Son état, dis-je, est fort débile.
Votre intestin grêle, vraiment,
N’a pas le sourire, il n’est pas engageant ;
Entre nous, je n’ai jamais vu
Un intérieur plus mal tenu.
8.
Ah ! les sales boyaux ! Mais quell’ belle occasion
Pour vous et vraiment peu loisible,
De dire bonjour à votre vieux côlon,
En ce moment il est visible…
(Mais n’vous trémoussez pas comme ça,
Vous avez fait choir mon lorgnon dans le tas,
Si je n’le retrouve pas là-dedans
Vous le paierez en supplément.)
Ah ! les sales boyaux ! Mais quell’ belle occasion
Pour vous et vraiment peu loisible,
De dire bonjour à votre vieux côlon,
En ce moment il est visible…
(Mais n’vous trémoussez pas comme ça,
Vous avez fait choir mon lorgnon dans le tas,
Si je n’le retrouve pas là-dedans
Vous le paierez en supplément.)
9.
Mais qui disait donc qu’vous aviez d’ l’estomac ?
Le vôtre m’a l’air d’être en bombe,
Je ne le vois pas. Regardez donc plus bas,
S’écrie une voix d’outre Combes.
Je l’tiens, dit le docteur, pardon !
Il est rud’ment bas, il est sous vos talons.
Ah ! nom d’un chien ! qu’il est usé,
Faudra le faire ressemeler.
Mais qui disait donc qu’vous aviez d’ l’estomac ?
Le vôtre m’a l’air d’être en bombe,
Je ne le vois pas. Regardez donc plus bas,
S’écrie une voix d’outre Combes.
Je l’tiens, dit le docteur, pardon !
Il est rud’ment bas, il est sous vos talons.
Ah ! nom d’un chien ! qu’il est usé,
Faudra le faire ressemeler.
10.
Mais attendez donc ! grands dieux ! qu’est-c’ que j’y vois ?
Une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept fèves !
Petit cachottier, vous pouviez êtr’ roi !
Mais plus modestes sont vos rêves.
Qu’est-ce encore ? un’ gomm’ pour crayon,
Un’ pièce du Pape… c’est ça qui doit être bon…
Naïf, avez-vous pu penser
Un instant qu’elle allait passer ?
Mais attendez donc ! grands dieux ! qu’est-c’ que j’y vois ?
Une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept fèves !
Petit cachottier, vous pouviez êtr’ roi !
Mais plus modestes sont vos rêves.
Qu’est-ce encore ? un’ gomm’ pour crayon,
Un’ pièce du Pape… c’est ça qui doit être bon…
Naïf, avez-vous pu penser
Un instant qu’elle allait passer ?
11.
Tout ça n’sera rien, dit l’docteur ayant remis
Toutes ces choses à leur place,
Ah ! voyons la langue… Pas trop sale… Dès aujourd’hui
Ne buvez que du Clos Wallace…
Au fait, revenez demain en passant
Que j’vous ouvre le crâne, ya peut-êtr’quéqu’chose dedans.
Mais nettoyez-le, grattez-le,
J’veux pas y trouver un cheveu.
Erik Satie (1866-1925)
Chanson de cabaret
Paroles de Vincent Hypsa
Mélodies et Chansons
Éditions Salabert
Pour voix moyenne et piano
Assez vif à 6/8
Do Majeur (Do3-Ré4)
Partition
● Partition en ligne
Version classique Gabriel Bacquier, baryton Aldo Ciccolini, piano |
Version cabaret Juliette, voix Alexandre Tharaud, piano |
Image par Dmitry Abramov de Pixabay